Vous aviez le choix entre l’effondrement de la biodiversité et la crise énergétique…

Une décision n° 22NT00974 du 4 avril 2023 de la Cour administrative d’appel de Nantes nous offre un nouvel exemple d’application de l’avis du Conseil d’État du 9 décembre 2022 (avis n° 463563, publié au Lebon).
Au cas présent, le juge relève qu’il résulte de l’instruction que l’étude d’impact :
* recense une présence « faible » de 33 espèces d’oiseaux en période de reproduction, dont 7 espèces d’oiseaux sensibles à l’éolien ; * recense une présence « faible » de 13 espèces de chiroptères, dont 5 espèces fortement ou très fortement sensibles à l’éolien ; * indique qu’après mise en œuvre de mesures d’évitement et de réduction, « l’impact résiduel sera soit très faible, soit très faible à faible, s’agissant de l’ensemble de ces espèces, tant en phase de travaux qu’en phase d’exploitation » ; * n’indique pas que les travaux ou l’exploitation du parc éolien litigieux seraient de nature à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques des espèces considérées.
La Cour conclut donc qu’une dérogation « espèces protégées » n’avait pas à être sollicitée par le pétitionnaire compte tenu de l’absence de risque suffisamment caractérisé du projet pour les espèces protégées.
Mise en balance avec la jurisprudence récente (v. notamment en ce sens : CAA Lyon, 15 décembre 2022, n° 21LY00407, 22LY00073 ; TA Grenoble, 20 décembre 2022, n° 2002745 ; CAA de Douai, 25 janvier 2023, n° 21DA01303 ; CAA de Nantes, 27 janvier 2023, n° 21NT03270), cette décision confirme le changement de paradigme à l’œuvre dans le contentieux des espèces protégées.
Là où la quantité d’énergie produite était, il y a quelques mois encore, un critère déterminant pour justifier d’une raison impérative d’intérêt public majeur (V. notamment CE, 10 mars 2022, n° 439784 ; CE, 15 avril 2021, n° 432158, CE, 15 avril 2021, n° 430500), les décisions rendues dans le prolongement de l’avis du Conseil d’État du 9 décembre 2022 permettent à des projets de taille modeste d’aboutir sans qu’il soit nécessaire de solliciter de telles dérogations (au cas présent, le projet consistait en l’installation de deux éoliennes).
Les conditions posées par la Conseil d’Etat relatives à l’obligation de déposer une demande de dérogation espèces protégées permettent d’écarter dans un nombre conséquent de cas l’instruction d’une demande de dérogation.
Or la sévérité des critères d’obtention de la dérogation (issus du droit communautaire) avait justement pour vocation de garantir que les cas de destruction restaient l’exception.
L’avis du Conseil d’Etat évacue ce débat. La question de sa conformité au droit communautaire est donc clairement posée.
Tout repose désormais sur la légitimité et le sérieux de l’étude d’impact (…) malgré les tentatives de quelques juridictions (CAA Lyon en particulier) d’exiger des garanties d’effectivité.
Dans un contexte d’effondrement de la biodiversité, il n’est pas certain que fermer les yeux sur les destructions d’espèces protégées pour permettre notamment la réalisation mycélienne de projets notamment ENR soit le meilleur des choix.
Pour paraphraser un célèbre britannique, Gouvernement et Conseil d’Etat avaient le choix entre l’effondrement de la biodiversité et la crise énergétique. Ils ont choisi l’effondrement de la biodiversité et ils auront la crise énergétique… en espérant (encore un peu) ne pas en arriver là.
www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047411182?init=true&page=1&query=22NT00974&searchField=ALL&tab_selection=all
Vous aviez le choix entre l’effondrement de la biodiversité et la crise énergétique…
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