Dans le combat qui oppose les tenants du rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau aux propriétaires des barrages susceptibles d’être titulaires de droits d’eau, le Conseil d’État vient de confirmer sa jurisprudence : les droits d’eau fondés en titre sont des droits d’usage et non des droits de propriété.
Les travaux d’arasement du barrage des Pipes (Doubs) avaient été suspendus par une ordonnance du tribunal administratif de Besançon dans le cadre d’un référé liberté introduit par plusieurs voisins propriétaires de parcelles accueillant un ancien moulin.
Ces derniers se prévalaient d’une atteinte à leur droit de propriété, caractérisé par le droit de prise d’eau fondé en titre, dès lors que les travaux auront pour finalité l’assèchement du canal de dérivation de l’ancien moulin.
Le juge des référés avait alors retenu l’atteinte à ce droit de prise d’eau comme une atteinte à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative et qu’une telle « dépossession » (!) d’un élément du droit de propriété des requérants ne pouvait se faire que suivant une procédure d’expropriation.
Saisi en appel, le Conseil d’État rappelle une ligne jurisprudentielle bien établie : un droit de prise d’eau fondée en titre est un droit d’usage, et en aucun un droit de propriété, qui se perd lorsque la force motrice de l’eau ne peut plus être utilisée « du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d’eau ».
Dans les faits de l’espèce, le changement d’affectation de l’ancien moulin fait perdre le droit de prise d’eau fondé en titre auquel il était attaché (CE, ord., n° 497441 et 497630, 17 sept. 2024).
Le Conseil d’État en déduit ainsi que, si initialement il existait bien un droit de prise d’eau fondé en titre attaché à l’ancien moulin, celui-ci a été perdu en raison du changement d’affectation du bâtiment en logement et de la disparition définitive de l’ensemble des installations destinées à utiliser la pente et le volume de l’eau.
De fait, il n’existait aucune atteinte grave et manifestement illégale à un droit fondamental ou une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative.
L’ordonnance du Tribunal administratif de Besançon a donc été annulée et les travaux d’arasement ont repris.