Par un arrêt n° 450086 du 2 juin 2023, le Conseil d’État a jugé qu’une société dont l’activité a uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration, et qui ne commet aucune négligence, ne peut être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement.
Dans cette affaire, une société exploitait un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de construction ou de démolition soumis à autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
À la suite du constat du non-respect par cette société des prescriptions relatives à l’exploitation du site, le préfet avait, après mises en demeure infructueuses, suspendu l’activité de cette dernière par un arrêté.
Cette société ayant été mise en liquidation judiciaire, le préfet avait demandé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) d’intervenir pour sécuriser le site et évacuer les déchets, aux frais des personnes physiques ou morales responsables (Article L. 541-3 du Code de l’environnement).
La société chargée de la collecte et du transport de déchets issus de chantiers pour le compte d’entreprises tierces était alors désignée par le préfet comme responsable au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement, d’une partie des déchets abandonnés sur le site de ladite ICPE. À ce titre, celle-ci versait à l’ADEME une somme de 1 235 000 euros au titre de sa contribution aux travaux d’élimination des déchets.
Estimant avoir payé à tort ladite, elle demandait alors au préfet que l’État lui verse 1 235 000 euros en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de sa désignation comme responsable d’une partie des déchets abandonnés et sollicitait, au surplus, du président de l’ADEME qu’il lui restitue cette même somme.
Dans un premier temps, le Conseil d’État a rappelé que « le propriétaire ou le détenteur des déchets a la responsabilité de leur élimination, la seule circonstance qu’il ait passé un contrat en vue d’assurer celle-ci ne pouvant notamment l’exonérer de ses obligations légales auxquelles il ne peut être regardé comme ayant satisfait qu’au terme de l’élimination des déchets » (voir en ce sens : Conseil d’État, 13 juillet 2006, n°281231, mentionné aux tables).
Dans un second temps, le juge confirme la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Paris (23 décembre 2020, N° 18PA02937) en retenant que la requérante ne pouvait, en l’espèce, être considérée comme ayant la qualité de producteur ou détenteur de déchets dans la mesure où :
- Celle-ci était uniquement chargée de la collecte et du transport des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration ;
- Et qu’elle n’avait commis aucune négligence.
Le préfet ne pouvait donc pas légalement mettre à sa charge la somme d’un montant de 1 235 000 euros au titre de sa contribution aux travaux d’élimination des déchets.
Cette décision permet ainsi de préciser un peu plus les concours de la notion de « producteur ou détenteur » d’un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement. Désormais, la circonstance pour une personne de se limiter à collecter et à transporter des déchets pourrait ne plus suffire à l’exonérer de sa responsabilité en qualité de producteur ou détenteur, encore faut-il en effet que celle-ci n’ait commis aucune négligence.