Les éoliens à la peine face à la protection du paysage

Par trois arrêts du 8 juin 2023 (n° 22LY00833, n° 20LY00238 et n° 20LY03752), la Cour d’appel de Lyon a confirmé la légalité d’arrêtés préfectoraux refusant de délivrer l’autorisation environnementale nécessaire pour l’exploitation de parcs éoliens en raison de l’atteinte causée au paysage.

Dans ces trois affaires, des sociétés de production d’énergie avaient sollicité auprès du préfet la délivrance d’une autorisation environnementale pour la construction de leurs parcs éoliens comprenant respectivement 13, 12 et 6 éoliennes.

Le préfet avait refusé de délivrer ces autorisations aux motifs qu’aucune dérogation « espèces protégées » n’avait été sollicitée sur le fondement des articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement et que lesdits projets porteraient atteinte au paysage environnant.

Au cas présent, la Cour fonde en premier lieu son raisonnement sur les articles L. 181-3 et L. 511-1 du Code de l’environnement, qui prévoient que l’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte permettent d’assurer notamment la protection des paysages.

Elle rappelle à ce titre, dans le cadre des instances n° 22LY00833 et n° 20LY00238, sa jurisprudence selon laquelle l’appréciation de cette exigence de protection et de conservation des paysages implique « une évaluation du secteur d’implantation du projet et une prise en compte de la taille des éoliennes projetées, de la configuration des lieux et des enjeux de co-visibilité, au regard, notamment, de la présence éventuelle, à proximité, de plusieurs monuments et sites classés et d’autres parcs éoliens, et des effets d’atténuation de l’impact visuel du projet » (voir notamment en ce sens : CAA de Lyon, 20 octobre 2022, n° 21LY00571 ou CAA de Lyon, 8 décembre 2022, n° 18LY03467).

Ensuite, elle analyse le lieu d’implantation de chacun des projets :

  • Le premier projet (n° 22LY00833) était situé sur un plateau en altitude, constitué de grands espaces de prairies, vierge de toute artificialisation et à moins de dix kilomètres du site classé du massif cantalien. La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) avait d’ailleurs estimé que ce parc s’inscrivait « dans une zone à forte sensibilité pour le paysage dans la charte du parc naturel régional des volcans d’Auvergne » et qu’il serait visible depuis plusieurs sites emblématiques ;
  • Les deux autres projets (n° 20LY00238 et n° 20LY03752) étaient situés sur deux plateaux en altitude et étaient visibles depuis l’emblématique site classé d’Alésia, dont le caractère historique et patrimonial avait déjà pu justifier l’opposition à un projet éolien (CAA de Lyon, 19 avril 2023, n° 22LY02828, commentaire de la décision disponible ici : www.helios-avocats.com/2023/04/25/latteinte-aux-paysages-un-moyen-a-documenter/).

Ce faisant, la Cour juge que le préfet avait fait une correcte appréciation des faits pour refuser de délivrer l’autorisation environnementale en raison de l’atteinte aux paysages sur le fondement de l’article L. 181-34 précité. Elle précise, qu’en admettant même que le risque pour l’espèce protégée présente (Milan royal) ne serait pas suffisamment caractérisé et qu’aucune dérogation « espèces protégées » ne s’imposait, le motif tenant à l’atteinte au paysage justifiait à lui seul le refus des autorisations contestées.

Mise en perspective avec la jurisprudence récente (voir par exemple : CE, 24 mai 2023, n°455072 ; CAA de Versailles, 11 avril 2022, n°20VE03265 ou encore CAA de Nancy, 6 juin 2023, n°21NC02286 ), cette décision montre ainsi que l’atteinte au paysage est un paramètre déterminant de la légalité d’un projet éolien, et qui présente l’intérêt d’être plus simple et plus efficace à mobiliser pour obtenir l’annulation d’un projet que l’argument tiré d’une atteinte à des espèces et habitats naturels protégés.

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