Le préjudice écologique lié aux algues vertes enfin reconnu

Les algues vertes sont parties intégrantes de l’actualité de ce mois de juillet. Peu après la sortie du film « Les algues vertes » dans les salles obscures, qui relate les enquêtes journalistiques d’Inès Léraud sur le sujet, le Tribunal administratif de Rennes vient de rendre une décision qui mérite d’être soulignée.

Au cas présent, une association avait saisi la juridiction bretonne aux fins notamment de condamner le préfet des Côtes-d’Armor à réparer le préjudice écologique résultant de sa carence fautive dans l’exercice de son pouvoir de conservation de la biodiversité présente dans la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc.

S’appuyant sur plusieurs rapports scientifiques ainsi qu’un rapport de la Cour des Comptes, le tribunal considère que le préfet des Côtes-d’Armor responsable d’une carence fautive dans l’exercice de ses pouvoirs de police en ne mettant pas en œuvre l’ensemble des prérogatives qui lui étaient dévolues pour le contrôle de l’activité agricole et de protection de la biodiversité de la Baie de Saint-Brieuc, et plus particulièrement pour le contrôle et la réduction des flux azotés.

La juridiction reconnaît ainsi l’existence d’un préjudice écologique sur le fondement des articles 1246 et suivants du Code civil résultant des atteintes portées à la biodiversité de la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc par les amas persistants d’algues vertes.

Afin de remettre progressivement en état le milieu endommagé par l’eutrophisation, elle relève que la solution la plus efficace consiste à mettre en place un contrôle strict des rejets azotés dans les eaux côtières.

Par conséquent, elle enjoint le préfet des Côtes-d’Armor :

  • de prévoir, dans un délai de quatre mois, des prescriptions, applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement à l’origine des fuites d’azote dans le milieu naturel, propres à limiter l’apport azoté total dû aux engrais aux besoins des cultures afin de permettre une réduction effective du phénomène d’eutrophisation, selon des seuils conformes aux préconisations scientifiques ;
  • de programmer un contrôle périodique de l’ensemble des exploitations agricoles situées sur le territoire de la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc, en application de ses pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l’environnement.

Ce faisant, ce jugement confirme :

  • que le juge administratif peut se saisir utilement des articles 1246 et suivants du Code civil relatifs à la réparation du préjudice écologique (V. notamment en ce sens : TA de Besançon, 21 juillet 2014, n° 1300044, TA de Nancy, 3 novembre 2022, 2101336).
  • le caractère essentiel de la production d’éléments scientifiques aux débats pour démontrer la carence de l’État dans des affaires à forts enjeux environnementaux (V. par exemple TA de Paris, 16 juin 2023, n° 2019924 et 2019925, commenté ici)

( Tribunal administratif de Rennes, 18 juillet 2023, n° 2101565).

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