Espèces protégées et renversement de la présomption d’urgence posée par le code de l’urbanisme

Permis de construire conditionné par l’obtention d’une dérogation espèce protégée : Absence d’urgence à suspendre l’autorisation de construire.

Le défaut d’urgence à suspendre une autorisation d’urbanisme peut-il résulter de l’obligation d’obtenir une dérogation espèce protégée ?
C’est le point de droit sur lequel le Tribunal administratif d’Amiens s’est prononcé dans son jugement n° 2302235 du 28 juillet 2023.

Une société avait obtenu de la part du Maire d’une commune, la délivrance de plusieurs permis visant la construction d’un site de production de laine de roche. Plusieurs communes voisines avaient alors introduit un référé suspension à l’encontre de ces arrêtés de permis de construire.

Pour rappel, l’article L. 521-1 du Code de justice administrative prévoit la possibilité de suspendre un acte administratif à condition notamment de démontrer l’existence d’une urgence à suspendre cet acte. En matière d’autorisation d’urbanisme, cette condition d’urgence est présumée en application de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme

La société pétitionnaire faisait valoir que la condition d’urgence à suspendre l’acte n’était pas remplie dès lors que la mise en œuvre du permis était conditionnée par l’obtention d’une dérogation espèce protégée au titre de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement et qu’à ce titre, les travaux ne pouvaient démarrer sans avoir préalablement obtenu ladite dérogation.

Le juge des référés a d’abord rappelé que la présomption d’urgence fixée par l’article L. 600-3 pouvait être renversée uniquement lorsque « le pétitionnaire ou l’autorité qui a délivré le permis justifie de circonstances particulières ». Il appartient alors au juge des référés, pour déterminer si la condition d’urgence est remplie, de procéder à une appréciation globale de l’ensemble des circonstances d’espèce.

Ensuite, et afin de faire droit au raisonnement du pétitionnaire, le juge des référés s’est fondé sur plusieurs éléments :

  • L’article 9 de l’arrêté de permis de construire conditionnait la réalisation des travaux à la demande et obtention d’une dérogation espèce protégée ;
  • La société pétitionnaire avait contesté devant le juge administratif la légalité de cette article 9. Or, à l’heure du référé suspension, le recours au fond tendant à l’annulation de l’article 9 du permis de construire n’avait pas encore été jugé ;
  • Le permis ne pouvait être mis en œuvre et recevoir exécution avant la délivrance de cette dérogation au risque pour le pétitionnaire d’être pénalement sanctionné au titre de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme.

Au regard de ces éléments, la présomption d’urgence posée par l’article L. 600-3 devait être regardée comme renversée, dès lors que la possibilité de démarrer les travaux ne pourra intervenir avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, le temps d’obtenir cette dérogation.

Dans ces conditions, aucune urgence ne justifiait la suspension de l’exécution du permis de construire litigieux.

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