Annulation partielle de décret REP et recours potentiel à la fiducie ?
Par un arrêt du 10 novembre 2023, n° 449213, le Conseil d’Etat a confirmé la légalité de l’essentiel du décret du 27 novembre 2020 n°2020-1455 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs (REP), pris pour application de la loi AGEC mais a annulé, sans effet différé, l’article de ce décret introduisant l’article R. 541-174 dans le code de l’environnement.
Cet article récent prévoyant que tout producteur de produits, indépendamment de son lieu d’établissement, peut désigner un mandataire établi en France afin que ce dernier assure, au nom et pour le compte du producteur, le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs, mandataire subrogé dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur (notamment l’adhésion à un éco-organisme).
Le Conseil d’Etat remet en cause la subrogation du mandataire dans les obligations de responsabilité élargie du producteur en estimant que le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence et en jugeant que ni l’article L. 541-10 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition ne permet une telle subrogation, c’est-à-dire une substitution du mandataire dans les obligations du producteur de déchets.
Si le droit communautaire (Dir. n°2008/98/CE du 19 novembre 2008, art. 8 bis) relative aux déchets permet bien au producteur de déchets de recourir à un mandataire chargé d’assurer le respect des obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs, le Conseil d’Etat exclut que ce mandat entraine une subrogation totale dans les obligations du producteur.
La solution est en effet assez classique (cf. l’obligation de remise en état des ICPE, hors tiers demandeur) : les conventions de droit privé n’étant pas opposables à l’administration, le producteur reste responsable de ses obligations au titre de la REP vis-à-vis de l’Administration. Qui plus est, a subrogation prévue par le décret dépassait le périmètre ordinaire du mandat civiliste.
La présente décision va cependant plus loin en censurant la disposition réglementaire qui prévoit une modalité contractuelle allant au-delà du texte légal. Les conséquences ne sont pas neutres :
- Tous les mandats signés sont donc inopposables à l’Administration et cela de façon rétroactive.
- Dès lors, seul le producteur est susceptible de voir sa responsabilité engagée ce qui ne facilitera pas les mises en cause des producteurs étrangers.
De ce fait, désormais, si un producteur établi à l’étranger importe sa production en France, il est seul soumis au régime de la responsabilité élargie du producteur.
Dans la mesure où il méconnaitrait ses obligations, l’Administration doit le poursuivre directement et pas son mandataire. Dans ce contexte, deux scénarios sont désormais envisageables :
- Adopter un article législatif reprenant la disposition réglementaire annulée et incluant une subrogation générale ;
- Recourir à la fiducie qui pourrait utilement être utilisée dans ce cadre puisque l’article 2011 du Code civil prévoit un transfert de bien ou de droit. Le fiduciaire devient légalement titulaire de droit ou débiteur d’obligations. Rien ne s’opposerait donc à ce qu’il exerce les droits et obligations des producteurs dans le cadre de la REP en lieu et place des mandataires désormais démunis – ou plus simplement que lesdits mandataires utilisent la fiducie dans leur exercice.