Référé suspension en matière d’environnement : le Conseil d’État met un coup d’arrêt à la stratégie du fait accompli

Même en présence de travaux autorisés dans un état avancé, le juge administratif est tenu d’examiner si l’impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d’urgence fixée par l’article  L. 521-1 du Code de justice administrative comme remplie.

Conseil d’État, 8 avril 2024, n° 469526

Au cas présent, le préfet de la Haute-Savoie avait délivré à une société de remontées mécaniques une dérogation aux dispositions de l’article L. 411-1 du Code de l’environnement (dérogation dite « espèces protégées »).

Une association de protection de l’environnement avait alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral qui avait été délivré.

Cette demande avait été rejetée par ordonnance.

Pour estimer que la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 précité n’était pas établie, le tribunal avait relevé que, eu égard à l’état d’avancement des travaux, notamment la réalisation à 90 % du défrichement de la zone qui avait été autorisée, l’atteinte aux espèces protégées était déjà très largement consommée.

Selon le Conseil d’État, le juge des référé a entaché son ordonnance d’une erreur de droit dans la mesure où, même en présence de travaux autorisés dans un état avancé, celui-ci était tenu d’examiner si l’impact des travaux restant à effectuer sur les espèces protégées pouvait conduire à regarder la condition d’urgence fixée par l’article  L. 521-1 comme remplie.

Partant, l’ordonnance du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

La stratégie du fait accompli, qui consiste à réaliser au plus vite certains travaux afin de neutraliser les chances de succès des procédures de référé, faute d’urgence, semble ainsi compromise.

La prudence est plutôt à recommander dans la mesure où, même en cas d’échec d’une procédure de référé, l’opérateur dont le projet méconnait la réglementation environnementale peut s’exposer, à l’issue du jugement de l’affaire sur le fond, non seulement à ce que son projet soit annulé, mais également à ce que le juge le prescrive de coûteuses mesures de remise en état.

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