Saturation visuelle et contrôle du risque caractérisé de la dérogation Espèce protégée

Par une décision en date du 31 mai 2023 (n°20BX02053), la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé la décision de refus du préfet des Deux-Sèvres de délivrer une autorisation environnementale pour l’implantation et l’exploitation d’un parc de 10 éoliennes sur le territoire des communes de Saint-Varent et de Saint-Généroux.
La motivation de cette décision repose sur deux fondements.
  • La CAA rejette la requête de l’exploitant en raison de l’atteinte à la commodité du voisinage tirée de l’effet de saturation visuelle autour du bourg de Saint-Généroux.
    En effet, la Cour relève la présence de 13 parcs éoliens exploités, autorisés ou en cours d’instruction, représentant 83 éoliennes dans un rayon de 20 km. Elle relève également que dans un rayon de 5 km, ce seront 29 éoliennes qui seront implantées à l’est et à l’ouest de la Commune de Saint-Généroux sur une distance de 3,5 km.
    Il résulte de l’étude d’impact que la présence de ces 29 éoliennes provoquera un effet « barrière » et une saturation de l’horizon pour la Commune de Saint-Généroux, à raison d’un indice d’occupation de l’horizon de 195°.
    Ainsi, le préfet pouvait légalement estimer que le projet serait de nature à favoriser un phénomène de saturation visuelle pour les habitants, portant ainsi atteinte aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement et notamment la commodité du voisinage.
    Ce nouvel arrêt confirme les récentes positions en matière de saturation visuelle rendues par Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 1er mars 2023, n°459716, mentionné aux tables) et par le législateur au travers de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite Loi EnR). Voir www.helios-avocats.com/2023/03/09/refus-dautorisation-environnementale-pour-saturation-visuelle-du-paysage/
  • La CAA rejette la requête de l’exploitant du fait de l’absence d’une dérogation espèces protégées.
    La Cour rappelle tout d’abord qu’une dérogation espèces protégées est nécessaire dès lors que le projet comporte un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées, tout en prenant en compte les mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire (Conseil d’Etat, 9 décembre 2022, avis n°463563, publié au Lebon).
    L’étude d’impact mentionnait la présence de plusieurs individus de busards cendrés et identifiait le secteur d’implantation comme lieu de reproduction et de nidification de cette espèce.
    Également, il résultait de cette étude que la sensibilité du busard cendré aux risques de collision avec les éoliennes était importante et que le projet entrainait un « risque de perturbation et de destruction des individus nichant sur le site ».
    Afin de réduire ce risque, le pétitionnaire s’engageait à mettre en œuvre une série de mesures d’évitement et de réduction.
    La Cour va toutefois considérer que ces mesures d’évitement et de réduction ne permettaient pas de limiter suffisamment le risque pour les populations de busards cendrés afin qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé. En effet, le dispositif de détection mise en place n’était prévu que pour six des dix éoliennes et apparaissait comme peu efficace pour éviter le risque de collision avec les jeunes spécimens, enjeux forts de conservation de l’espèce.
    Dès lors, le juge administratif considère qu’une dérogation espèces protégées aurait dû être sollicitée dans le cadre de ce projet, ce qui n’avait pas été le cas.
    Le contenu des études d’impact a longtemps été sacralisé par les juridictions administratives. Aujourd’hui, les juges semblent de plus en plus enclins à remettre en cause le contenu de ces études, notamment en raison de leur insuffisance (voir en ce sens : Cour administrative d’appel de Toulouse, 17 mai 2023, n°21TL01349 – Commenté www.helios-avocats.com/2023/06/01/les-derogations-especes-protegees-au-regard-des-faiblesses-des-etudes-impact/

Ces deux récentes décisions témoignent de l’exercice d’un véritable contrôle de l’impact du projet en procédant à une analyse du risque d’atteinte sur les espèces protégées et de l’effectivité des mesures d’évitement et de réduction telles que présentées dans l’étude d’impact.

Saturation visuelle et contrôle du risque caractérisé de la dérogation Espèce protégée
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